Page:Méry - Monsieur Auguste, 1867.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
MONSIEUR AUGUSTE

Il y a des maladies morales qui demandent aussi un changement de climat. Votre mari jouit, dit-on, d’un certain crédit dans les chancelleries orientales ; avec sa puissante recommandation et la vôtre, madame, ne pourrais-je pas être nommé attaché d’ambassade… à… à Constantinople, par exemple ?…

— Quelle idée ! Vous iriez vivre chez les Turcs ? vous, Parisien comme le Louvre ! Vous ne connaissez donc pas Constantinople ?

— Non, madame.

— Je l’ai traversée, moi, et je ne lui ai pas dit au revoir. Des rues qui montent, des Turcs qui fument, des chiens qui mordent, des mosquées de carton, des promenades de cyprès, des tombeaux pour banquettes, des maisons en ruine, des minarets qui crient l’heure qu’il n’est pas, des boutiques sans acheteurs, des cafés sans café ; l’hiver au mois d’août, l’été en décembre ; le vent partout : il souffle du Bosphore, de la Corne-d’Or, de la mer Noire, de Marmara ; un sérail qui sue l’ennui par tous ses kiosques, et des passants qui vous saluent en vous disant en turc : « Chien de chrétien ! » Je flatte le portrait ; mais, n’importe ! il en reste encore assez pour ébranler votre résolution.

— Mais, madame, ce sont des mœurs à étudier.

— Ah ! oui, elles sont belles leurs mœurs.