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LES RUSSES EN TRANSCAUCASIE, ETC.

d’instruction. Il a été jusqu’ici entièrement mené ; jamais n’est sortie de son sein une classe habituée à discuter librement les intérêts généraux. Il se trouve par conséquent actuellement incapable de fournir en nombre suffisant, des hommes aptes à exercer une grande influence personnelle sur les autres.

Quant aux classes élevées, à côté de remarquables exceptions, un passage trop brusque de la barbarie féodale à une civilisation raffinée, a trop souvent déprimé le fond sérieux au profit des éléments superficiels de la civilisation.

Il semble donc probable que la Russie ne trouverait pas actuellement dans son personnel civil les hommes qu’il lui faudrait, pour diriger, en petit nombre, un pays nouveau, en ayant chacun une large part d’initiative.

De plus, les races du Caucase sont, en somme, très semblables aux Russes ; leur état social est seulement un peu plus arriéré. Elles sont en majorité chrétiennes, et une fierté susceptible forme un des traits saillants de leur caractère. Aucune division de castes, dans le sens hindou, ne les prépare à accepter la domination incontestée d’une poignée d’hommes gouvernant en quelque sorte par un pouvoir magique. Il faudrait donc pour une administration simple, des hommes exceptionnellement doués, et une tradition gouvernementale exceptionnellement forte. La Russie ne possède ni l’un ni l’autre. Elle trouve peut-être ainsi plus d’avantage à couvrir son personnel, généralement médiocre, du prestige d’une immense bureaucratie solidaire.

Mais elle arrive ainsi à gouverner à la fois trop et mal. Son gouvernement maintient toutes choses dans un état rudimentaire, mais il forme peut-être encore à lui seul un des plus grands obstacles au développement du pays. Les entreprises privées sont trop souvent exposées aux mille tracasseries de l’administration. Quelques individualités énergiques, utilisant parfois de puissantes protections, ailleurs domptant les difficultés, arrivent, il est vrai, à se faire jour et à se créer des situations exceptionnelles, mais ceci ne fait point règle. Quant aux étrangers, la police les main-