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CHAPITRE VIII

En Perse, il a du moins la ressource du fouet, ce qui est pour le Persan le plus irrésistible argument ; celui qui sait s’en servir est immédiatement classé parmi les « Seigneurs » ; il est redouté et servi. Mais dans le Kurdistan les gens sont plus fiers et plus susceptibles : il faut se borner à la voix et presser son monde comme l’on peut. À la longue un voyageur arrive à faire exécuter un branle-bas relativement rapide ; mais l’opération est toujours exaspérante ; en moyenne, nous nous levions de 4 heures et demie à 5 heures au plus tard ; retards d’un côté, mauvais chargements de l’autre, nous ne pouvions guère nous mettre en route avant 7 heures et demie : je constate le fait une fois pour toutes.

Le chef de douane de Djoulfa nous avait flanqués de deux zabtiés[1], prétextant la présence de brigands. Aucun de ces braves n’avait un fusil en état de tirer ! à l’un manquait le chien ; à l’autre la gâchette !


Départ 7 h. matin.

Trois heures de marche en plaine, le long d’un torrent desséché au milieu d’un cirque de montagnes que le soleil colorait de ses lueurs matinales, nous mènent à l’entrée d’une gorge où de pauvres misérables, vrais sauvages, avaient établi leur campement. Les enfants sont nus comme des vers ; les femmes, dont l’air est profondément abruti, nous offrent du lait caillé coupé de moitié d’eau, boisson excellente.

La gorge volcanique, nue, âpre, se faufile entre mille mamelons d’érosion. Les zabtiés voient des brigands à chaque détour du sentier ; ils ne veulent s’arrêter qu’en pays découvert et nous forcent à grimper d’une traite jusqu’au col, où notre troupe fait halte près d’une flaque d’eau saumâtre. Nous avions heureusement une outre remplie d’eau potable. Impossible de trouver même un trou où s’abriter du soleil ! Aussi bien, la halte n’est pas longue ; au bout d’une demi-heure les tchervadars sont las de griller sur place et donnent eux-mêmes le signal du départ

  1. Le zabtié persan est une espèce de gendarme d’aspect misérable. Son principal soin, pour remplacer sa solde toujours arriérée, est d’aller en chasse de pourboires, et là où il le peut, en quête d’exactions.