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CHAPITRE XVIII

recouvre, notre propre caravane grimpant lentement à travers bois, me reportent à certaines aquarelles de Paul Marcoy dans son « voyage à travers les Sierras » ; autrefois je le traitais de farceur, mais je lui fais maintenant amende honorable ; il avait sans doute raison dans sa manière de rendre le paysage.

J’ai dit que les habitants exploitaient leurs forêts pour la production du charbon ; ils emploient à cet effet un procédé absolument kurde. Un vieux tronc se lasse-t-il enfin de produire des rejets, on en fera du charbon ; mais l’abattre, le débiter, le mettre en charbonnière demande bien trop de soin. N’est-il pas beaucoup plus simple de mettre le feu au tronc et de le laisser se consumer ? on en perdra, il est vrai, les trois quarts, mais on aura ainsi du charbon qui n’aura coûté que bien peu de peine ; c’est l’essentiel. Nous voyons ainsi flamber plusieurs de ces torches géantes. Que de cette façon il se produise souvent des dégâts considérables, peu leur importe ! D’ailleurs, l’écartement des arbres diminue beaucoup le danger.

Dans cette pénible montée notre caravane traîne et se débande. Quand à la tombée de la nuit elle arrive au col, les zabtiés nous déclarent que nous ne sommes qu’à mi-chemin entre Doukhân et le prochain village ! Impossible avec nos bêtes fatiguées de pousser plus loin dans l’obscurité ; nous nous perdrions sûrement. Nous ferons donc halte au prochain endroit propice. Le temps est beau : bien que nous soyons en Décembre et à près de 2 000 mètres d’altitude, une nuit à la belle étoile n’aura rien de terrible, tout au contraire.

Arrivée 6 heures soir.

Nous trouvons bientôt dans un fond boisé une petite source[1], et pour comble de bonheur une grande provision de bois préparée par un pauvre Kurde. Devenant Kurdes nous-mêmes, nous confisquons sans le moindre remords le bien d’autrui. Il faut dire que dans ce pays les titres de propriété sont si douteux ! Puis, nécessité fait loi !

  1. Ainsworth, ii, 366, se rendant de Saïrd à Bitlis, dut camper au même endroit, non sans grande crainte des Kurdes.