naufrage en 1838. Son kellek, entraîné par le remous de la pile, fut balayé complètement par les eaux[1].
Ce souvenir et l’allure désordonnée que prend notre radeau ne sont pas sans nous donner un petit frisson de peur ; le kellekdji — nous n’en avions qu’un seul, ce qui était une imprudence — fait force de rames ; nous passons comme un trait, juste au bord du remous ; au lieu de nous attirer, par un mouvement de tangente, il nous repousse violemment contre l’arche du pont ; le mauvais pas est franchi ! Nous respirons, mais je crois que nous étions un peu pâles.
Nous songeons alors à jeter un coup d’œil sur les ruines du pont dont le courant nous éloigne rapidement. La construction en est superbe : les assises de pierre sont, alternativement, de basalte noir et de calcaire blanc. L’arche qui subsiste et qui est d’un dessein très beau et très hardi, porte des bas-reliefs représentant les signes du zodiaque. La construction de ce pont semble remonter au temps des monarques Sassanides[2].
La distance qui sépare ce pont de Djézireh, fait supposer qu’il ne fut pas construit pour cette ville. Oppert suppose qu’à cet endroit se trouvait « Bezabdé » ou la ville double dont parlent les textes cunéiformes.
Les rives du Tigre sont peu élevées ; à certains endroits cependant, les collines viennent baigner dans le fleuve ; les villages, assez nombreux, sont du plus misérable aspect ; la même famine qui a désolé le Boghtân, les a décimés, et depuis ils ont sans doute souffert les mêmes exactions.
Voici Roubahi. Notre hospitalier Évêque nous quitte pour visiter ses villages.
Ô dérision ! il souffle pendant toute la journée une tourmente de vent et de neige, venant du Sud-Ouest.