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CHAPITRE XXI

devient pas un orgueil de comparaison. Malheureusement, nous comparons et nous regardons de haut les Chrétiens d’Orient. Nous nous souvenons des torts des Églises orientales avant l’Ère musulmane ; nous nous souvenons de leur vieux penchant au schisme et à l’hérésie — et pour juger les Orientaux d’aujourd’hui, nous nous reportons instinctivement et sans transition à cette époque. Nous oublions que depuis le Khalife Omar, treize siècles d’oppression ont pesé sur l’Orient ; nous oublions que si la bataille de Poitiers a sauvé une première fois l’Europe ; si les murs de Vienne ont arrêté les derniers flots des hordes asiatiques, c’est que l’Orient entier était devenu la proie définitive des conquérants. Ils y avaient trouvé une terre promise où ils pouvaient assouvir leurs convoitises ; si de là ils s’élançaient sur l’Europe, leur premier élan était brisé ; ce n’étaient plus des hordes venues tout droit du désert ; si terribles qu’elles fussent encore, elles s’étaient déjà arrêtées pour se repaître et avaient émoussé leur première énergie. Le courage des Francs a fait leur victoire sur le champ de bataille ; mais c’est la ruine de l’Orient qui a donné à ces victoires leur valeur décisive. L’Orient, devenu esclave et pâture, a été le prix de la liberté de l’Europe.

Les conquérants arabes ou turcs reconnurent souvent l’utilité, la nécessité même, de se montrer tolérants envers les Chrétiens. À cette pensée se rattache la reconnaissance officielle des différentes Églises chrétiennes et les pouvoirs étendus donnés à leurs chefs religieux[1]. Mais dans tous les pays musulmans, il y a loin

  1. « Pour ce qui regarde les mariages, les successions, les dispositions testamentaires, les différends qui s’élèvent entre eux, les Chaldéens peuvent terminer tout cela sans l’intervention du magistrat ; ils peuvent aller s’arranger devant leurs prêtres ou devant quelqu’ancien de leur nation ; on prend des témoins ou bien on passe un écrit auquel plusieurs personnes apposent leur cachet et la chose est finie. Le gouvernement au besoin approuve toutes ces transactions, de manière que, s’ils étaient bien raisonnables, il ne se mêlerait point de leurs affaires ; mais comme ils ne le sont pas toujours, il s’ensuit que le gouvernement s’en mêle souvent, et toujours à leur détriment. » (Monseigneur Coupperie : Notice sur les Chaldéens. Prop. de la Foi, v, 564). Voir l’Appendice D. Firman du Patriarche chaldéen.