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CHAPITRE XXVI

Le bélem filait silencieusement entre les deux rives couvertes de palmiers. Les plus vieux penchaient leur cime sur le canal ; au-dessous d’eux, jeunes palmiers, grenadiers, orangers et mille arbres exotiques formaient un épais sous-bois, Ils se reflétaient tous dans les eaux et le soleil, à peine à l’horizon, dessinait dans leurs profondeurs d’admirables lumières. Quand passant à côté des ponceaux qui franchissent les canaux d’irrigation, j’avais par-dessous leurs arcades sombres une longue échappée sur ces ruisseaux qu’éclairait joyeusement une lumière mystérieuse, je croyais rêver, tant étaient incomparables ces harmonies de la nature !

L’ensemble me rappelait la « fuite en Égypte », de Claude Lorrain, à la galerie Doria ; mon paysage était infiniment plus beau ; mais Claude avait eu le génie de deviner l’Orient[1] !

La ville de Bassorah est sans grand intérêt et bien déchue de son importance. Mon but est l’église, bâtie par les premiers missionnaires carmes au xviie siècle ; ruinée depuis, elle a été restaurée par le P. Marie-Joseph. Un prêtre syrien la dessert actuellement et dirige une école.

C’est vraiment merveille de voir tout ce que les missionnaires peuvent faire avec si peu d’argent ! En dehors des offrandes de quelques rares Chrétiens de Baghdad, riches et généreux comme les Asfar, la mission, tout compté, ne dispose pas de 10 000 francs par an, avec lesquels il faut faire face à toutes les dépenses !

À Bassorah, des jalousies entre le rit chaldéen et le rit syrien ont amené un état de gêne fort regrettable ; les Chrétiens sont à peine assez nombreux pour remplir une église et une école ; les deux communautés ont tiré chacune de leur côté, ou, pour être plus exact, les Chaldéens ont fait bande à part et construit pour eux seuls une église et une école. Avec le peu de ressources dont on

  1. Oppert a dans l’atlas de son expédition en Mésopotamie une gravure représentant une mosquée à Bassorah, qui peut donner une pâle idée du charme de ce paysage.

    Au demeurant, à la marée basse, toute la poésie a disparu, car le canal n’est plus alors qu’un bourbier.