Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
CHAPITRE IV

pauvres masures en pierre ; la provision de foin est empilée en meules sur les toits plats ; tout à côté, d’immenses tas de tourbe, préparés pour l’hiver, rappellent dans la pénombre les aoûls géorgiens et donnent au village un faux air guerrier que dément bien vite l’allure de ses habitants arméniens.

Le relais d’Akhta où nous arrivons à 10 heures du soir, ne contient suivant l’habitude, que deux chambres : l’une est bondée ; dans l’autre, un Turc se barricade avec désespoir — il y a bien de quoi : le pauvre voyage avec une de ses dames, et alors, quelles précautions jalouses ! Mais comme il ne nous donne pas le motif de sa résistance, nous la trouvons mauvaise, et, forçant la porte, je l’apostrophe d’un air furieux, en un langage et dans une attitude de circonstance. Terrifié, le pauvre diable prend le parti de quitter le relais de poste pour chercher asile ailleurs ; dans ce mouvement de retraite, nous apercevons un être étrange, une sorte de paquet de voiles et de couvertures avançant à grands mouvements de roulis — c’est une révélation, et la cause de tout le trouble nous est expliquée !

Mais pendant que j’étais aux prises avec le Turc, Hyvernat parlementait avec le maître de poste ; à un beau moment, il demande à quelle distance demeure le gouverneur d’Erivan. Le maître de poste croit que nous voulons porter plainte contre lui : il n’en est sans doute pas à ses débuts sur ce chapitre ; le voici dans le plus comique accès de rage effrayée qu’on puisse voir ; il crie, il se démène, il piétine sur place et s’arrache les cheveux. Enfin nous arrivons à lui expliquer que nos intentions n’ont rien d’hostile ; notre homme finit par se calmer et se confond en excuses.

Nous dressons nos lits de camp, ce qui cause déjà un rassemblement ; mais quand, armés d’un tire-bottes perfectionné nous nous déchaussons, l’admiration n’a plus de bornes, et nous faisons une foule d’heureux en permettant à nos badauds de venir gravement ôter à l’aide du fameux tire-bottes leurs souliers, voire leurs babouches ! C’est le comique après le