Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/145

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semaines après le départ du cap Ritter, le steamer mouillait son ancre à l’extrémité la plus septentrionale du Groenland, par 83° 54′ 12″. Les terres redescendaient au sud-ouest. À l’horizon se creusait une baie que l’on reconnut immédiatement pour le bras oriental de l’inlet Conger du fiord Hunt. L’île Lockwood était au centre, et, tout au bout du panorama merveilleux, s’accusait avec ses roches noires le cap Alexandre Ramsay.

On était parvenu au promontoire que les deux héros de la mission Greely avaient nommé, sans pouvoir l’atteindre, d’un nom cher à tous les cœurs américains. C’était le cap Washington. Dès à présent, tous les prédécesseurs étaient distancés. La France était allée le plus loin.

La joie fut sans bornes dans l’équipage ; elle tenait du délire. On criait, on pleurait, on s’embrassait. D’aucuns parmi les matelots trépignaient, marchaient sur les mains, se livraient à d’étonnants ébats chorégraphiques. Maintenant on se croyait sûr du succès final. Encore 6 degrés 4 minutes, ou 606 kilomètres, et l’on foulerait le Pôle lui-même.

Le ciel se montrait entièrement propice. Cette côte que Lockwood et Braillard avaient trouvée bordée de glace en 1882, mais dont ils avaient vu les glaces se détacher l’année suivante, leur apparaissait libre et dégagée de sa froide ceinture.

Le premier travail auquel on dut se livrer fut celui du relèvement de la carte. Il exigea six longues journées, mais permit aux explorateurs de connaître entièrement la région.

Bien que la chaleur fût en retard, l’année s’annonçait exceptionnellement douce, et, très rapidement, le thermomètre s’éleva à des niveaux absolument extraordinaires. La tempé-