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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/224

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terne, désolante, qui rendait plus lamentable encore l’aspect de ce paysage de mort. On ne voyait guère à plus de cinq cents pas, et il semblait qu’une calotte de plomb se fût brusquement abattue sur le Pôle.

Les deux matelots serrèrent les mains de leurs camarades. L’étreinte du commandant fut particulièrement chaude et expressive. Lacrosse leur dit, en guise d’adieux :

« Allons ! garçons, on vous attend là-bas. Faites de bonne besogne, et donnez-nous au plus tôt de vos nouvelles. Puisque le téléphone fonctionne, nous ne le quittons plus. »

Les échelles furent rabattues, et l’on vit les deux matelots s’enfoncer dans la dense pénombre de ce jour d’enfer. Leurs silhouettes devinrent des taches, les taches des ombres, et tout s’effaça dans le brouillard.

Il avait été convenu avec eux que, tous les cent pas, ils pousseraient un cri, afin de rassurer autant que possible leurs compagnons sur leur sort. Cinq minutes environ après leur départ, un premier appel arriva distinctement au navire, d’où l’on répondit par un sonore hourra. Il s’écoula trois minutes avant le second, sept avant le troisième. Les gens de l’Étoile Polaire en comptèrent ainsi treize, dont l’affaiblissement graduel leur indiqua l’éloignement progressif des voyageurs. On put supposer de la sorte que la portée de la voix, sous ce ciel très bas, atteignait l’énorme distance d’un kilomètre.

Il avait été stipulé, en outre, que chaque cri contiendrait un renseignement sur l’état du champ de glace. Ce serait un seul mot, autant que possible un dissyllabe, afin que la seconde partie du son permît de bien préciser la première. Les premières indications ainsi fournies furent très nettes. Les mots : Rompue, Solide, Rompue, Hummocks. furent entendus par