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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/249

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— Faites excuse, capitaine ; nous n’avons même fait que cela. C’est à présent que nous rentrons, le temps de prendre des vivres, et nous repartons. Si vous voulez venir avec nous ? »

D’Ermont s’était arrêté. Sous les rayons obliques de l’astre, il lisait le document trouvé.

C’était une sorte de lettre, émanée de M. de Kéralio lui-même.

Voici ce qu’elle contenait :

« 16 août 188.. Je jette ce document, sans espoir et sans ressource, dans les flots libres, qui ne le seront bientôt plus. La congélation monte du sud au nord, et nous sommes présentement sur un glaçon qui dérive vers l’est. Tous nos instruments sont demeurés dans le canot. Nous n’avons ni tente, ni sacs. C’est un coup de mer qui nous a séparés du sous-marin a notre retour du Pôle. Les deux voyages aller et retour se sont très bien effectués. Le Pôle est une île ceinte de récifs qui supportent la muraille de glaces. Nous sommes passés au-dessous, à une profondeur de 200 mètres environ. Si la mer se prend, nous lâcherons de retrouver notre bateau. — Latitude 87° 48′ 20″, longitude 42° 16′ ouest. — C’est notre dernier point. Il est d’hier, et la catastrophe s’est produite cette nuit, à 6 h. 15 du matin. Il nous reste 10 livres de pain conservé et 800 grammes de pemmican. Si l’équipage de l’Étoile Polaire trouve cette bouteille, qu’on nous cherche à l’est. »

Quand il eut terminé sa lecture, l’officier eut un frémissement.

« En avant ! s’écria-t-il. Et que Dieu nous aide ! Il n’y a pas une minute à perdre. »

Tout le monde reprit le chemin du nord-est.