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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/289

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— Oui, répondit d’Ermont en riant, nous y allons. »

Et de son bras étendu il montrait à l’horizon, à quelques milliers de brasses, une ligne toute blanche, au-dessus de laquelle planait une nuée formant couronne ou anneau.

Le bateau sous-marin sautait, en quelque sorte, d’un cercle à l’autre.

Il allait, gagnant mètre par mètre, se rapprochant, par un louvoiement continu, de l’arête de l’entonnoir.

Soudain une clameur s’éleva, âpre, sauvage. En même temps, la brume de tout à l’heure, se déchirant, laissa voir le centre mystérieux de l’abîme.

Ce fut un merveilleux coup d’œil, un spectacle tel que l’œil humain ne peut en voir de semblable.

Le centre du Pôle était une terre.

Mais quelle terre et quel centre ! Le Paradis, enlevé au premier homme, se retrouvait là.

Ah oui ! ce spectacle était unique. Tout à l’entour de cette terre centrale, la mer se dressait en un bourrelet gigantesque, haut de vingt mètres, et dont la pente, homogène du côté du Pôle, ressemblait à une moitié de coteau qui eût été en cristal. Au sommet de ce bourrelet liquide, une frange d’écume bondissait en neige éblouissante et lançait au ciel des paquets d’embruns.

Le sous-marin, accélérant ses mouvements, atteignit enfin cette crête, et les voyageurs, émerveillés, purent s’emplir les prunelles de ce tableau d’une incomparable beauté.

Ils voyageaient en pleine région du songe ; ils pouvaient se croire entrés dans quelque monde surnaturel.

Au-dessous d’eux, la terre polaire, vêtue d’une verdure éclatante, donnait l’impression d’une émeraude vivante. Des