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UNE FRANÇAISE AU PÔLE NORD

bêtes survivantes avaient eu déjà le temps de disparaître derrière un mamelon.

Cependant le naturaliste s’avançait, sa casquette à la main, saluant très bas et avec son sourire le plus obséquieux.

Il chercha à s’excuser.

« Il paraît, monsieur d’Ermont, dit-il, que j’ai failli causer un malheur ? Pardonnez-le-moi. J’ai la vue très basse. Je ne me servirai plus de fusil.

— Vous ferez bien, monsieur », répondit le jeune homme, peu endurant de sa nature.

Et, tournant le dos au chimiste, il pressa le pas afin de revenir au plus vite, en compagnie d’Isabelle, jusqu’à la station.

Déjà, attirés par les coups de feu, M. de Kéralio accourait, ainsi que le docteur Servan et les cinq autres matelots.

On donna à ceux-ci la mission de dépouiller immédiatement les bêtes, afin de ne pas laisser le temps aux chairs de contracter l’odeur de musc qui les eût rendues immangeables. Cette besogne fut promptement accomplie, et quatre cents kilogrammes de viande fraîche vinrent s’ajouter aux provisions du magasin.

Rentré à Fort Espérance, Hubert s’empressa de s’enfermer avec son futur beau-père, le docteur et Guerbraz, pour qu’ils pussent méditer en commun sur la gravité de l’événement qui venait de se produire.

La conférence fut des plus émouvantes. M. de Kéralio, très débonnaire, ne pouvait croire à un acte de malveillance. La chose lui paraissait invraisemblable. « Je sais, dit-il, que notre compagnon est d’une myopie extraordinaire.