Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/61

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croissante. Chaque jour qui s’écoulait apportait une nouvelle angoisse, car on savait les mers du Pôle pleines de caprices fantasques. Deux fois en moins de soixante-douze heures, l’horizon se voila d’énormes masses, et l’on trembla à la pensée que les issues pourraient être fermées au navire.

Aussi accueillit-on avec des clameurs enthousiastes l’annonce que donna le gabier Kermaïdic en descendant de son quart de vigie, le 22 août, vers une heure après midi.

Le vapeur venait d’apparaître, et le vent souillant du sud dégageait les abords de la côte. Les icebergs couraient uniformément vers l’est, dans la direction du Spilzberg. Le navire pourrait entrer dans le fiord à la chute du jour.

Le calcul fut déjoué. Brusquement, vers les cinq heures du soir, au moment même où les feux de l’Étoile Polaire révélaient sa présence à moins de trois milles de la côte, le vent sauta au nord-ouest et produisit une chute rapide de la colonne mercurielle. Le thermomètre, sans avertissements préalables, accusa 20 degrés au-dessous de zéro.

Il fallut passer la nuit dans une cruelle incertitude et attendre jusqu’au lendemain, à dix heures, pour revoir le navire à deux milles plus bas dans le sud. On constata alors que la glace nouvelle s’était accrue de 18 centimètres.

Heureusement le flot montait, refoulant les floes errants, de manière à laisser aux navigateurs plusieurs allées d’eau suffisantes pour permettre au navire d’atteindre le fiord. Grâce à son éperon et à son étrave blindée, grâce à la puissance de sa machine, l’Étoile Polaire put se frayer un chemin à travers les débris incessants qui venaient obstruer, à toute seconde, le passage. À deux heures précises, après avoir, à coups de bélier, taillé sa route dans les chenaux de mer libres, l’Étoile