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PRÉFACE


L’accueil bienveillant que la deuxième série des chansons du Chat Noir, de Maurice Mac-Nab, a rencontré auprès du public, nous détermine aujourd’hui à les réunir en volume. Le succès formidable que l’auteur remporta dans la salle minuscule des ombres chinoises de la rue Victor-Massé n’est pas encore oublié ; le nom de Mac-Nab est désormais associé à celui du Chat Noir, et l’on se souviendra toujours de la façon originale dont ce poète à la physionomie étrange, à l’abord sympathique, au geste saccadé, débitait ses œuvres. Avec son masque impassible de gentleman écossais, Mac-Nab était un gai, et lui, qui ne se déridait jamais, s’entendait à merveille à dérider les autres. Décider le rire, le rire franc, sain, communicatif, c’était là son bonheur, pour lui un véritable apostolat, l’apostolat de la gaieté, car il en était convaincu, et il se plaisait à le répéter : « Il n’y a que les bons qui sachent rire. » Aussi, toujours à l’affût, excellait-il à découvrir l’aspect comique des événements. Vers, prose, monologues, chansons, dessins, tout lui était bon pour manifester le besoin de satire humoristique qui le travaillait sans cesse. Mais c’était de la gaieté à froid et parfois même macabre, non pas qu’il fût jovial, exubérant, fantasque ; sa gaieté éclatait à distance dans l’esprit et sur les lèvres épanouies de ses auditeurs, sans que la physionomie du poète « excitateur » s’animât même d’un sourire ; on eût dit qu’il cherchait dans le rire des autres une diversion à quelque souffrance secrète. Ceux-là qui sont nés avec des aspirations vers un idéal quelconque, et dont l’organisation sociale féroce confine l’existence en des besognes répugnantes et mal rétribuées, ceux-là me comprendront. Qu’on joigne à cela la maladie qui le minait et que l’atmosphère malsaine des bureaux et le surmenage du travail postal accroissaient journellement, et l’on s’expliquera les deux hommes qu’il y avait en lui, le fonctionnaire correct et compassé, et l’autre, le fervent de l’idéal, le comique ahurissant par ses surprises,