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BALLADE
DES DERRIÈRES FROIDS


Aux baisers caressants de vos lèvres câlines,
Ô femmes, j’ai parfois ranimé mes ardeurs,
En votre chair rosée enfonçant mes canines
J’ai déjeuné d’amour et dîné d’impudeurs
Au fond de vos boudoirs pleins d’exquises odeurs ;
Et pourtant, c’est en vain que ma main promenée
Sur vos reins a cherché la chaleur incarnée :
Séjour incombustible ainsi qu’un coffre-fort
Où j’ai trouvé toujours (étrange destinée)
La froideur du derrière, image de la mort !

Explorateur hardi des formes féminines,
Que j’ai doublé de caps et franchi d’équateurs !
J’ai vu des reins maigris par les longues famines
Et d’autres étalant d’étonnantes rondeurs,
Et je jure que tous ont les mêmes froideurs !
Aussi quand la luxure ardente, irraisonnée,
Dans les chauds soirs d’automne, ou dans la matinée,
Invisible serpent me poursuit et me mord.
Je redoute à l’égal d’une arme empoisonnée
La froideur du derrière, image de la mort !