Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

persistance du mauvais sort, indiquait quelques chaises mal rangées, des verres non essuyés et d’autres détails d’intérêt purement domestique.

― Vous né fichez rien ! Cé n’est pas la première fois qué jé vous lé dis.

Quand il avait le dos tourné, Cécile le regardait avec mépris et passait plusieurs fois sur ses joues le revers de sa main sale.

C’est un matin, d’assez bonne heure, alors que Cécile lavait à grande eau les carreaux noir et blanc de la grande salle, que Samuel Eliasar, la mine satisfaite, les mains dans les poches d’un élégant raglan, pénétra en vieille connaissance dans le bar du « Poisson sec ».

― M. Joaquin Heresa est-il descendu ? demanda-t-il à la fille qui le contemplait avec curiosité.

― Je vais voir, monsieur… C’est pourquoi ?

― Je ne suis pas un placier en vin, répondit Eliasar, votre patron est mon ami. Dites-lui simplement que Samuel Eliasar est venu lui serrer la main.

― Le voilà qui descend, répondit la bonne.

― Ah mon vieux, mon vieux, clama le capitaine, dès qu’il eut aperçu Samuel. Commé c’est gentil d’être vénu mé rendre visite. Il grogna d’aise.

― Et les affaires ? demanda Samuel.

― Ouat ! les affaires, si ça continue jé vais fermer la boîte. Jé suis pourtant aimable, mais