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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

― Ça ira tout de même !

Eliasar se souleva sur sa chaise, regarda le capitaine Heresa et levant son verre où la liqueur rutilait à la hauteur de ses yeux, il porta un toast à l’entreprise, à l’équipage, à la santé du capitaine et à la sienne.

― Céliné, Céliné ! glapissait Heresa enthousiasmé, apportez, Mujer ! du « Dom » ! et de la Chartreuse. Allez chercher des cigares, en face, au bureau de tabac, des gros avec une bague brune.

― Et après ?… dit encore Eliasar en arrondissant devant lui, dans un geste évocateur, un magot imaginaire qui semblait dépasser sa tête.

― Jé mé retire à la campagne, avec uné pétité poule !

Eliasar prit un cigare dans la boîte que la servante venait de déposer sur la table. Il se servit un verre de chartreuse et but d’un trait.

― Hé, mon vieux, si vous avez des bouteilles comme celle-là dans votre cave, ne les passez pas à votre successeur, Krühl vous les achètera.

― Jé les prendrai avec moi.

Eliasar avait retenu une chambre dans un hôtel de la rue Saint-Romain. Joaquin Heresa lui proposa de l’accompagner.

La rue des Charrettes était déserte. Les deux hommes marchaient sans se presser, dévisageant les rares passantes. Ils croisèrent des soldats anglais, des Australiens, le feutre relevé sur la