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VERS L’AVENTURE

Vous voyez, mon vieux, vous êtes comme moi maintenant. La fièvre vous travaille.

― Oui, je donnerais gros pour être sur le point de débarquer dans l’île. C’est agaçant de vivre ainsi dans l’incertitude.

― Il n’y a pas d’incertitude. Nous trouverons le trésor de Low, je n’ai aucun doute à ce sujet. Le capitaine est de mon avis. C’est un type épatant que ce capitaine. Vous m’avez rendu un grand service en me le faisant connaître.

― Il pleut ! répondit Eliasar.

La pluie commençait à tomber sur la ville que l’absence de soleil privait d’âme.

Les deux hommes relevèrent le col de leurs imperméables et se hâtèrent vers l’hôtel que Joaquin Heresa leur avait recommandé.

― J’ai bien envie de rentrer à bord, fit Eliasar en s’écroulant sur un mauvais fauteuil.

― Attendons Heresa.

Eliasar et Krühl restèrent sans parler, l’un devant l’autre, anéantis dans une veulerie stupéfiante en fumant d’excellents cigares.

La pluie battait les vitres et projetait sur les carreaux gris, couleur du temps, de grosses gouttes de vif-argent.

Eliasar regardait machinalement les gouttes se rejoindre, se mêler, et dégringoler rapidement.

Krühl s’évertuait à faire des ronds de fumée, le « cerveau en pâte », disait-il, attendant le retour du capitaine pour rassembler ses idées