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CHITA

l’île, selon la formule du Hollandais qui recherchait les occasions de se réjouir devant une table pleine de séduction.

L’heure étant trop avancée pour débarquer, M. Krühl et ses deux acolytes sablèrent le champagne et burent de grands verres de chartreuse que Krühl ne manquait jamais de mirer avec une satisfaction gourmande devant la lumière de la lampe.

Naturellement le gaillard d’avant participait aux réjouissances ; le rhum coulait abondamment dans le boujaron de Bébé-Salé.

― Alors on stoppe, déclara le nègre, en faisant claquer sa langue.

― Paraît que l’île appartient à M. Krühl, déclara Bébé-Salé.

― Oui, dit Fernand, j’ai des tuyaux. L’île appartient à « mossieur Krühl », comme tu le dis, vieille noix. Il possède des mines à exploiter, des mines d’argent et il est venu gaffer si les travaux avancent. Mais ce qui m’épate, c’est de ne voir personne dans le patelin. Un gars comme mossieu Krühl, ça mérite la peine qu’on dérange les pompiers. Hein ?

― Dame oui, fit Bébé-Salé

― Ah toi, père Bébé-Salé, t’es toujours de l’avis du dernier qui a jacté. Passe-moi le boujaron, je vais servir.

Très tard dans la nuit les matelots burent, chantèrent, se querellèrent et établirent les