Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/105

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point de sa chaise longue : et tout en toussant, elle me promettait de me montrer les alentours de Lisbonne. Elle n’était point seulement maigre, mais translucide ; il était impossible qu’elle ne mourût pas d’une heure à l’autre. Le capitaine, peut-être pour se leurrer lui-même, feignait de ne point croire au dénouement si proche.

Je ne savais rien ; je ne pensais à rien. Que m’importait le sort d’une femme poitrinaire, au milieu de l’océan ? L’univers, pour moi, c’était Marcella.

Au bout d’une semaine, je trouvai le moment propice pour mourir. C’était la nuit. Je montai doucement sur le pont. Mais j’y trouvai le capitaine, qui, penché sur le bastingage, considérait l’horizon.

— Quelque grain qui s’annonce ?… demandai-je.

— Non, me répondit-il en tressaillant ; non. J’admire la splendeur de la nuit. Voyez… Quelle merveille !…

Le style démentait l’aspect assez fruste de l’individu, qui semblait étranger au style métaphorique. Au bout de quelques secondes, il me