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Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/110

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zon un regard accompagné d’un geste long et profond.

— Nous allons, dit-il, la livrer à la tombe qui jamais ne se rouvre sur ce qu’elle a une fois englouti.

Peu d’heures après, le cadavre fut en effet lancé à la mer, avec les cérémonies accoutumées. La tristesse se lisait sur tous les visages. Le veuf conservait l’attitude d’un tronc d’arbre durement fendu par la foudre. Un grand silence… La vague ouvrit ses flancs, reçut la dépouille, se referma dans un remous suivi d’une légère ride, et le bateau continua son chemin… Je demeurai quelques instants à la poupe, les regards fixés sur ce point incertain de l’Océan, où était resté l’un de nous. Ensuite j’allai trouver le capitaine pour le distraire de sa solitude et de ses regrets.

— Merci, me dit-il en devinant mon intention. Croyez bien que jamais je n’oublierai vos bons offices. Dieu vous en saura gré. Pauvre Léocadia, tu te souviendras de nous dans le ciel.

Il essuya sur sa manche une larme importune. Je cherchai un dérivatif dans la poésie, qui était sa passion. Je lui parlai des vers qu’il m’avait