Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/18

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et du temps, de l’Illyssus vers les plages africaines, vola par-dessus les débris des années jusqu’à une Afrique juvénile. (Nous l’y accompagnerons plus tard, quand moi-même je revêtirai les traits de mes premiers ans.) Pour le moment, je veux mourir tranquille et méthodiquement, en écoutant les sanglots des dames, les chuchotements des hommes, la pluie qui tambourine sur les feuilles des tignorons dans le jardin, le frottement strident d’un tranchet que le rémouleur aiguise dehors, à la porte du sellier. Je vous jure que cet orchestre mortuaire était beaucoup moins triste qu’on ne pourrait supposer. Il finit même par me sembler délectable : la vie trébuchait en moi, la conscience s’effaçait, je tombai de l’immobilité physique dans l’immobilité morale ; mon corps devenait plante, pierre, boue, puis plus rien.

Je mourus d’une pneumonie. Si j’affirme pourtant que ma mort fut causée moins par cette maladie que par une idée grandiose et utile, le lecteur ne me croira pas, quoique ce soit la vérité pure. Je vais exposer sommairement le cas. Vous déciderez ensuite en connaissance de cause.