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deux ans. Il y avait alors deux portes à sa boutique ; il l’a agrandie, et maintenant, il y en a quatre. Il se promet que d’ici peu il y en aura six ou huit. Le chapelier voit dans la vitrine les chapeaux du rival ; par les différentes portes, entrent les clients du rival. Le chapelier compare cette boutique à la sienne, qui est plus ancienne et qui pourtant n’a que deux portes, et ces chapeaux à ceux qu’il vend, et que l’on achète moins, bien qu’ils soient d’un prix égal. Cela le mortifie, naturellement. Il poursuit son chemin, pensif, les yeux baissés ou fixés devant lui. Il cherche les causes de la prospérité de l’autre et de son propre abandon, alors qu’il est un chapelier bien supérieur à l’autre chapelier… C’est en cet instant que ses yeux se fixent sur la pointe de son nez.

La conclusion c’est qu’il y a deux forces capitales au monde. L’amour qui multiplie l’espèce, et le nez qui la subordonne à l’individu. Procréation, et équilibre.