Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/231

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ambition était lasse de battre de l’aile sans pouvoir prendre largement son vol. Quelques jours après, il me dit tous ses dégoûts, ses amertumes, ses fureurs concentrées. Il confessa que la vie politique est faite d’envies, de dépits, d’intrigues, de perfidies, d’intérêts et de vanités. Évidemment, il traversait une crise de mélancolie ; j’essayai de la combattre.

— Je sais ce que je dis, répliqua-t-il avec tristesse. Vous ne pouvez vous imaginer tout ce que j’ai dû supporter. Je suis entré dans la politique par goût, par relations de famille, par ambition, et un peu par vanité. Vous voyez que j’ai réuni en moi tous les motifs qui poussent un homme dans la vie publique. Mais je ne voyais le théâtre que du côté des spectateurs ; et vraiment le décor était beau et le spectacle magnifique, la représentation mouvementée et divertissante. Je signai un engagement ; on m’a donné qui… Mais pourquoi vous fatiguerais-je de mes plaintes ? Abandonnez-moi à mes tribulations. J’ai passé des heures et des jours !… Il n’y a ni constance de sentiments, ni gratitude, il n’y a rien !… rien !… rien !…

Il se tut, profondément abattu, les regards