Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/313

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rieux, convaincu, avec lequel je l’écoutai fait honneur à la dissimulation humaine. Il cachait mal son ennui. Il parlait peu, s’enfermait chez lui, passait le temps à lire. D’autres fois, il ouvrait les portes, causait et riait avec affectation. Il souffrait doublement. Son ambition lui reprochait ses scrupules ; il hésitait ; peut-être se repentait-il ; mais si l’alternative s’était représentée, il eût agi la seconde fois comme la première dans sa superstition invétérée. Il doutait de cette superstition sans pouvoir s’en dépêtrer. Cette persistance d’un sentiment, odieux à l’individu qui en était la victime, est un phénomène digne de quelque attention. Mais je préfère la parfaite ingénuité de Dona Placida lorsqu’elle avouait qu’elle ne pouvait voir un soulier avec la semelle en l’air, sans le retourner aussitôt.

— Pourquoi ?

— Ça porte malheur.

C’était son unique réponse, qui valait pour elle le livre de la Sagesse : « Ça porte malheur ». On lui avait appris cela quand elle était enfant et, sans plus ample informé, elle l’acceptait comme article de foi. Au contraire, quand on parlait