Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/327

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rante. L’acheteur insistait comme quelqu’un qui a peur de manquer le train. Mais Viegas ne cédait point. Il refusa d’abord les trente contos, puis trente-deux, puis trente-trois, enfin il eut un fort accès de toux qui lui coupa la parole pendant un quart d’heure. L’acheteur lui vint en aide, l’installa sur les coussins, et lui offrit trente-six contos.

— Jamais, gémit le malade.

Il envoya chercher une liasse de papiers dans son secrétaire ; n’ayant plus la force nécessaire pour retirer l’élastique qui entourait le rouleau, il me pria de le faire. C’étaient les comptes des dépenses de construction de l’immeuble : comptes du maçon, du charpentier, du peintre ; comptes du papier pour la salle à manger, pour le salon, pour les chambres à coucher, pour le cabinet de travail ; comptes de ferrages, prix d’achat du terrain. Il les déployait, un à un, d’une main tremblante ; puis il me demandait de les lire, et je les lisais.

— Voyez, mille deux cents, du papier à mille deux cents reis la pièce. Charnières françaises… Voyez : c’est pour rien, conclut-il après avoir lu le dernier compte.