Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/459

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Ce n’était pas l’anglaise fine et correcte de Virgilia, mais une écriture contrefaite et inégale. Le V de la signature était un simple paraphe, sans intention alphabétique. De sorte qu’il était possible, le cas échéant, de récuser la paternité de la lettre. Je tournai et retournai le papier. Pauvre Dona Placida !… Eh bien ! et les cinq contos de la plage de la Gamboa que je lui avais donnés. Je ne pouvais comprendre que…

— Tu vas comprendre, me dit Quincas Borba, en tirant un livre du rayon.

— Comprendre quoi ! demandai-je abasourdi.

— Tu vas comprendre que je t’ai dit la vérité. Pascal est un de mes ancêtres spirituels. Et bien que ma philosophie soit de beaucoup supérieure à la sienne, je ne puis nier qu’il ait été un grand homme. Or que dit-il dans cette page ? (Et le chapeau sur la tête, la canne sous le bras, il me désignait du doigt le passage.) Que dit-il ? Il dit que l’homme a sur le reste de l’univers le grand avantage de savoir qu’il est sujet à la mort, alors que les autres êtres ne se doutent point qu’ils sont périssables. Tu vois ; lorsqu’un homme dispute un os à un chien, il a sur celui-ci le grand avantage de savoir qu’il a faim. C’est