Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/81

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chercher dans les châteaux du moyen âge pour le lâcher dans les rues de notre siècle. Le pis est que, fourbu de tant de courses qu’on lui fit faire, il fut mis au rancart. Le réalisme le trouva rongé de lèpre et de vermine, et par compassion lui donna asile dans ses livres.

C’est vrai que j’étais un joli garçon élégant et riche ; et l’on peut facilement s’imaginer que plus d’une femme, à cette époque, baissait devant moi son front pensif, ou me fixait de ses regards avides. Entre toutes, celle qui me captiva était une… une… je ne sais trop comment dire, car ce livre est chaste, au moins dans mon intention. Ah ! dans mon intention, combien il est chaste ! Mais enfin, comme il faut tout dire ou rien, celle qui fit ma conquête était une Espagnole, Marcella, la « Belle Marcella » comme l’appelaient avec raison les jeunes gens de ce temps-là. Elle était fille d’un jardinier des Asturies, comme elle me l’avoua elle-même dans une heure d’expansion ; car la version courante lui donnait comme père un homme de lettres de Madrid, victime de l’invasion française, qui avait été blessé puis emprisonné et enfin fusillé quand elle avait à peine dix ans. Cosas