Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi je la suivis, aussi asservi que l’autre, comme si l’ordre s’adressait à moi. Je la suivis, amoureux d’elle, vibrant, le cœur illuminé des premières aurores. Chemin faisant, je l’entendis nommer : « La Belle Marcella ». Marcella : j’avais entendu l’oncle Jean prononcer ce nom ; et je demeurai tout étourdi.

Trois jours plus tard, mon oncle me demanda en secret si je voulais souper avec de petites femmes, aux Cajueiros. J’acceptai, et il me conduisit chez Marcella. Xavier, avec tous ses tubercules, présidait le nocturne banquet. Je ne mangeai rien ou presque rien, n’ayant d’yeux que pour la maîtresse de la maison. Quelle gracieuse petite Espagnole !… Il y avait là une demi-douzaine de femmes, toutes entretenues, jolies et pleines de charmes. Mais l’Espagnole !… L’enthousiasme, quelques gorgées de vin, mon caractère impérieux et emporté, tout cela me fit faire une chose dont je ne me serait point cru capable. Sur le seuil de la maison, je dis à mon oncle de m’attendre un instant, et je gravis de nouveau les escaliers.

— Vous avez oublié quelque chose ?… me demanda Marcella, debout sur le palier.