Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On apporta le café ; Pestana but la première tasse et s’assit au piano. Il regarda le portrait de Beethoven, et commença l’exécution de la sonate, s’oubliant lui-même, éperdu ou abstrait, mais avec une grande perfection. Il recommença le morceau. Ensuite il s’arrêta pendant quelques instants, se leva et alla à une fenêtre. Il revint au piano ; c’était le tour de Mozart. Il prit une musique, l’exécuta de la même manière, l’âme ailleurs. Haydn et une troisième tasse de café le menèrent jusqu’à minuit.

Entre minuit et une heure, Pestana ne fit guère que s’accouder à la fenêtre et regarder les étoiles, rentrer et regarder les portraits. De temps à autre, il allait au piano, et debout plaquait un accord sur le piano, comme pour chercher une inspiration. Mais l’inspiration ne venait pas, et il retournait se mettre à la fenêtre. Les étoiles lui semblaient autant de notes de musique, fixées au ciel dans l’attente de que qu’un qui irait les décoller. Un temps viendrait où le ciel serait vide ; mais alors la terre serait une constellation de partitions. Aucune image, rêverie ou réflexion ne lui apportait un souve-