Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/136

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supposer qu’ils étaient la porte ouverte du château, et le sourire, le clairon qui sonnait les cavaliers. Nous la connaissions déjà, moi et mon compagnon de bureau, João Nobrega, tous deux débutants au barreau et amis au possible. Mais jamais nous n’avions songé à lui faire la cour. Elle faisait alors florès. Elle était belle, riche, élégante, et du meilleur monde. Mais un jour, dans l’ancien théâtre provisoire, entre deux actes des Puritains, comme je me trouvais dans un corridor, j’entendis un groupe de jeunes gens, qui parlaient d’elle comme d’une forteresse inexpugnable. Deux confessèrent leurs tentatives inutiles ; tous s’étonnaient du célibat inexplicable de la jeune fille. Et ils faisaient des gorges chaudes : l’un disait qu’il s’agissait d’un vœu, qu’elle s’était promis d’engraisser d’abord ; un autre, qu’elle espérait la seconde jeunesse de son oncle pour se marier avec lui : un autre, qu’elle avait sans doute fait la commande de quelque chérubin au portier du paradis. Ces trivialités m’écœurèrent, et je les trouvais d’une grossièreté sans nom, de la part de gens qui avouaient l’avoir aimée ou lui avoir fait la cour. Mais tous tombaient d’accord sur son extraordi-