Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/171

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de sensations suprêmes, Fortunato coupa la troisième patte au rat, et fit pour la troisième fois le même mouvement jusqu’à la flamme. La misérable bête se tordait, poussant de petits cris, et, toute sanglante et carbonisée, n’en finissait pas de mourir. Garcia détourna les yeux, puis regarda de nouveau, en étendant la main pour empêcher la continuation du supplice. Mais il se contint, tant ce diable d’homme inspirait de crainte avec cette sérénité radieuse de sa physionomie. Restait à couper la dernière patte. Fortunato prit son temps en suivant du regard le mouvement lent des ciseaux. La patte tomba ; il demeura en contemplation devant le rat demi-mort ; et il procéda d’un geste plus rapide pour prolonger s’il était possible une dernière lueur de vie.

Garcia, en face de lui, essayait de dominer sa répugnance du spectacle, pour étudier le visage de l’individu. Ni fureur, ni haine ; mais une immense satisfaction, tranquille et profonde, comme celle que produirait, chez un autre, l’audition d’une belle sonate, ou la vue d’une statue divine, quelque chose de semblable à une pure sensation esthétique. Il lui sembla, et