Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/197

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taine l’imprécation. Ce fut le cas pour Maria Regina, qui vit au dedans d’elle-même l’étoile double et unique. Séparées, elles avaient quelque valeur ; réunies, elles formaient un astre splendide. Quand elle ouvrit les yeux et qu’elle mesura la hauteur du firmament, elle conclut que la création était un livre plein de lacunes et d’incorrections, et désespéra.

Sur le mur du jardin, elle vit alors quelque chose qui ressemblait à deux yeux de chat. D’abord elle eut peur, mais elle s’avisa bientôt que c’était la reproduction externe des deux astres qu’elle avait aperçus en elle, et dont l’image était demeurée imprimée sur sa rétine. La rétine de cette jeune fille projetait au dehors toutes les visions de sa fantaisie. Le vent fraîchit, elle rentra, ferma la fenêtre et se coucha.

Elle ne dormit pas tout de suite, à cause des deux ronds d’opale qu’elle voyait incrustés dans la muraille. Convaincue de son illusion, elle ferma les yeux et dormit. Elle rêva qu’elle était morte, et que son âme, emportée dans l’espace, volait dans la direction d’une étoile double. L’astre se dédoubla, elle vola vers l’un des corps composants ; n’éprouvant plus la sensation pri-