Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

naissait depuis son enfance, l’avait portée dans ses bras, au jardin public, ou, le soir, aux feux d’artifice de la Lapa. Comment lui parler d’amour ? mais, d’autre part, ses relations dans la famille pouvaient lui faciliter ce mariage. « Ce sera elle ou aucune autre. »

Cette fois, le mur n’était pas trop haut, et l’épi se trouvait à portée de la main. Il suffisait d’étendre le bras avec un peu d’effort pour l’arracher de sa tige. Rangel s’y efforçait depuis quelques mois. Mais il n’étendait pas le bras sans regarder d’abord autour de lui, pour voir si quelqu’un venait ; et lorsque quelqu’un venait, il s’en allait sans faire semblant de rien. Quand il touchait au but, il arrivait qu’un coup de vent secouait l’épi, ou que quelque oiseau bruissait dans les feuilles sèches, et il n’en fallait pas davantage pour qu’il retirât la main. Le temps passait, sa passion croissait, lui causant des heures d’angoisses, auxquelles succédaient toujours de meilleures espérances. En cet instant même, il a dans sa poche sa première lettre d’amour, et s’apprête à la passer. Deux ou trois bonnes occasions se sont déjà présentées, mais il diffère chaque fois davan-