Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/279

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mémoration. Il attendit quelques jours, et alla lui faire une visite de condoléances. Il fit passer sa carte ; on lui répondit qu’elle n’y était pour personne. Il fit un voyage à São-Paulo, y demeura cinq à six semaines, et se prépara au départ. Avant de partir il voulut encore tenter une démarche, moins par simple politesse que pour emporter avec lui l’image, même déformée, de cette passion de quatre années.

Elle n’était pas chez elle, et il s’en revenait fâché, vexé, s’accusant d’impertinente insistance et de mauvais goût. En face de l’église du Saint-Esprit, il aperçut une femme en deuil qui lui parut être Marianna. Elle passa devant sa voiture ; leurs yeux se rencontrèrent ; mais elle feignit de ne point le reconnaître, et s’éloigna, de telle sorte que le salut d’Évariste demeura sans réponse. Il hésita s’il ferait arrêter sa voiture pour prendre congé d’elle dans la rue, pendant une minute, le temps de lui dire deux mots. Mais il avait dépassé l’église, et Marianna se trouvait déjà loin. Il descendit néanmoins, et marcha sur ses traces ; puis, soit respect, soit dépit, il changea de résolution, remonta en voiture et suivit son chemin.