Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/81

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Au moment où la bouche allait articuler la première parole, la griffe de l’avarice le prenait à la gorge, et rien ne sortait : « Sauvez-la… Intercédez pour elle. »

Dans l’air, devant ses yeux, la jambe de cire apparaissait, et aussitôt après la pièce de monnaie qu’elle devait coûter. La jambe disparut, mais la monnaie demeura, ronde, luisante, jaune, d’or pur, complètement en or, bien supérieure aux chandeliers de mon autel qui sont simplement dorés. De quelque côté qu’il tournât les yeux, il apercevait la monnaie qui tournait, tournait. Et ses regards la palpaient de loin, et lui donnaient la sensation froide du métal, et même de la frappe en relief. C’était elle-même, la vieille amie de longues années, compagne diurne et nocturne, c’était elle qui était là, dans l’air, tournant follement. C’était elle qui descendait du toit ; qui s’élevait du sol ; qui roulait sur l’autel, de l’épître à l’évangile ; ou tintait sur les bobèches du lustre.

La supplication de ses regards et leur abattement s’accentuaient de propos délibéré. Je les vis s’allonger vers moi, pleins de contrition, d’humiliation, de désespoir. Et la bouche répé-