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INTRODUCTION III


s’affirme en lui, il devient plus hardi et s’attribue le premier rôle dans les récits qu’il nous conte. Presque aussitôt, on voit Froissart le suivre dans cette voie[1] ; peu après lui, Eustache Deschamps qui se proclame son disciple[2], produit des poésies toutes personnelles et subjectives, et les poètes et auteurs du xve siècle, Christine de Pisan en tête[3], écrivent dans ce qu’on peut appeler sa manière. Ils lui empruntent encore certain genre littéraire, dont Machaut est le véritable créateur : ce sont les w débats » ou « jugements d’amour », qui sont en quelque sorte le prolongement et le développement de l’ancien u jeu parti », où le poète seul, dans des pièces d’une certaine étendue empruntant les formes des « dits », expose, tant au moyen de personnages fictifs que par sa propre bouche, les deux aspects d’une question, tranchée finalement par le jugement d’un tiers. Ce genre eut une vogue considérable, si bien que les auteurs contemporains autant que les poètes postérieurs du xve siècle s’empressèrent de l’imiter de leur mieux.

On n’hésita pas, d’ailleurs, à reconnaître en Guillaume de Machaut comme un chef d’école, un maître, et on lui donna, pendant plus d’un siècle, sa place

  1. Certains détails du Dit dou bleu chevalier ou du Traittié de la prison amoureuse, détails absolument extérieurs, sont déjà suffisants pour démontrer l’influence directe que Machaut a exercée sur Froissart, quoique celui-ci ne Tait avoué nulle part ; ce fait ressortira mieux encore d’une étude plus approfondie que nous nous réservons de faire paraître plus tard. Notons aussi que toute la production lyrique de Froissart adopte les formes consacrées par Guillaume.
  2. Œuvres complètes, III, 259 (N. 447, v, 5): « Machaut … qui m’a nourry et fait maintes douçours. »
  3. Romania, XXIII (1894), 581-586.