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INTRODUCTION LXI


cercles courtois du moyen âge, on raffolait de ces problèmes de casuistique amoureuse ; on ne les traitait pas seulement en jeux-partis, on leur consacrait aussi des poèmes de plus d’étendue et de caractère narratif. Le cas le plus fameux et le plus souvent débattu était celui de savoir si, pour une dame, il était préférable de donner son amour à un clerc ou à un chevalier. Cette question était discutée en langue latine dès le commencement du xii e siècle (notamment dans l’Altercatio Phillidis et Florae et dans l’ouvrage d’André le Chapelain) ; elle se retrouve dans plusieurs poèmes français (Florence et Blancheflor, Hueline et Aiglantine, Melior et Idoine)[1]. Dans l’Altercatio dans les œuvres françaises, le sujet est toujours traité de la même manière : la discussion naît entre deux dames, dont l’une aime un clerc, l’autre un chevalier ; la décision est donnée à la cour du, Dieu d’Amours, soit immédiatement parle dieu lui-même, soit à la suite d’un duel judiciaire entre deux oiseaux de la cour ; le poète, le plus souvent, assiste ou rêve d’assister en cachette aux événements. Machaut a fidèlement suivi ces données fondamentales dans son poème. Il n’a donc pas inauguré ce genre, comme l’a dit G. Paris[2] ; mais il y a introduit certaines innovations, et c’est certainement lui qui l’a en quelque sorte rajeuni.

Ces modifications sont un nouveau trait bien caractéristique de l’œuvre de Guillaume. Il ne reste pas témoin impassible de l’aventure ; il prend lui-même part à l’action : c’est lui qui propose l’arbitrage du roi de Bohême, après avoir entendu dans sa cachette toute

  1. Voy. Romania, XXXVII, 221 ss.
  2. Loc. cit., p. 92.