Page:Machaut - Œuvres, éd. Hœpffner, II.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REMEDE DE FORTUNE XV

Machaut nous semble être très fier, il énumère les traits caractéristiques des véritables amants '. La dernière consolation qu'il offre aux amants malheureux, c'est l'aide efficace et le soutien précieux d'Espérance, en quoi il développe encore un point important des théo- ries de l'Art d'amour (v. 2194 ss.). Le discours finit par une nouvelle recommandation aux amoureux, d'aimer loyalement 2 et d'attendre patiemment la récompense qui ne saurait leur manquer (v. 2797 ss.).

Plus loin, c'est un essai de psychologie amoureuse : Guillaume décrit les sentiments divers et opposés que l'amant ressent tour à tour en présence de sa dame, et il s'efforce d'expliquer ce phénomène bizarre par une explication non moins étrange, à vrai dire (v. 3o53 ss.). La « prière » qui suit résume les conclusions de l'ensei- gnement d'Espérance : elle nous fait voir la confiance avec laquelle l'amant doit se soumettre aux volontés du dieu d'Amour et suivre ses lois sans murmurer et sans

��éd. Pey, Jahrbuch fur roman, nnd engl. Literatur, VII, 1866, 320, v. 175-218); mais ce passage n'a certainement pas été uti- lisé par Machaut qui suit sans doute quelque tradition plus an- cienne.

1. Dans le Dit dou Lyon Machaut a traité ce même sujet, en y ajoutant encore d'autres types d'amoureux. Ce fait vient appuyer notre opinion sur l'antériorité du Remède de Fortune. Si celui-ci avait été écrit après le Dit dou Lyon, Guillaume n'aurait certai- nement pas manqué de renvoyer à ce poème où il donne des dé- tails beaucoup plus précis et plus nombreux qu'ici, de même que dans le Cotifort d'ami il se contente d'un renvoi au Remède de Fortune. Dans le cas contraire, un renvoi était inutile. Il est bien possible que ce soit précisément ce passage de notre poème qui ait donné à l'auteur l'idée fondamentale de son Dit don Lyon.

2. En faisant cette recommandation expresse de persévérer dans l'amour malgré tous ses déboires (v. 2797-2800), Machaut s'op- pose directement au Roman de la Rose, où Jean de Meun, par la bouche de Raison, conseille à l'amant de laisser sa « pensée foie Et le fol dieu qui si /' afole » (v. 7638-39). Il se pourrait que Ma- chaut ait songé à ce passage contre lequel il s'élèverait ici.

�� �