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REMEDE DE FORTUNE XXI

dans -ses poèmes, des remaniements assez libres de textes appartenant à la littérature de l'antiquité.

C'est de très près que Machaut a suivi son modèle. Il ne se contente pas de lui emprunter ses observations et ses remarques sur l'essence et les effets de Fortune, il va jusqu'à reproduire assez exactement le cadre même dans lequel Boèce avait placé son traité. L'imita- tion commence à l'endroit où le poète nous dit être arrivé au Parc-de-Hesdin, c'est-à-dire au moment même où le récit de l'aventure personnelle va s'arrêter pour quelque temps et céder la place à la fiction allégorique. Ce nouveau chapitre commence par la longue Com- plainte qui contient les griefs de l'auteur contre Fortune et Amour. C'est là déjà une première analogie avec l'œuvre de Boèce : celle-ci débute par une courte pièce en vers contenant les plaintes du poète. La ressemblance, pour le moment, en reste là et se borne à cette idée générale; car, pour ce qui est du contenu, les lamenta- tions du philosophe latin n'ont de commun avec la complainte du poète français que l'idée fondamentale, les plaintes sur l'inconstance et les revers de Fortune ; dans le détail, ils diffèrent considérablement l'un de l'autre '.

Leur complainte achevée, les deux poètes surpris aperçoivent tout à coup auprès d'eux une femme d'une beauté remarquable, d'essence surhumaine; chez

i . On pourrait admettre que le mélange de pièces lyriques au récit même, comme le Remède de Fortune nous le présente pour la première fois dans les œuvres de Machaut, est également dû à l'influence de la Consolation de Boèce où des pièces en vers de caractère lyrique alternent régulièrement avec des parties de récit ou de dissertation philosophique en prose, et où les pièces chantées ne restent pas sans influence sur l'action et la mise en scène (voy. plus bas). Mais la poésie française connaissait et pra- tiquait ce mélange depuis longtemps déjà, et c'est plutôt elle qui a fourni à Guillaume un modèle pour la forme extérieure qu'il a donnée à son poème.

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