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REMEDE DE FORTUNE XXIII

blait. Il est évident qu'il ne tient aucun compte de tout ce qui ne concerne que la situation personnelle de Boèce, et que, d'un autre côté, il modifie ses em- prunts de façon à les adapter aux circonstances dans lesquelles il s'était placé lui-même. C'est ainsi qu'il est amené à opérer ce changement radical, de substituer au personnage principal de Boèce, la Philosophie, sa personnification d'Espérance, consolatrice bien plus appropriée aux maux d'amour dont il prétendait souf- frir. C'est en effet Espérance qui, dans les théories de l'amour courtois, soutient et réconforte l'amant malheu- reux : « Espérance confort li livre », nous enseigne le Roman de la Rose', ou encore : « Espérance par soffrir vaint » \ L'introduction de ce personnage, pour con- soler le malheureux amant qu'était le poète, était donc tout indiquée. La conséquence de cette substitution était que la longue description du personnage allégo- rique de Boèce a été supprimée par Guillaume qui ne nous dit rien sur l'apparence extérieure de sa consola- trice.

Remplacer Philosophie par Espérance, c'était aussi moderniser le modèle antique, substituer des concep- tions plus neuves à celles de l'antiquité. C'est sans doute pour la même raison que Guillaume laisse de côté toute la scène imaginée par Boèce, où Philosophie chasse hors de la présence de son disciple les Muses larmoyan- tes et éplorées qui lui ont inspiré son chant plaintif.

Par contre, la comparaison d'Espérance avec le méde- cin procédant à l'opération de la cataracte, comparaison que Boèce ne donne pas, est certainement prise d'un fait familier aux contemporains de Machaut, et c'est encore une invention personnelle de celui-ci que la façon dont

��i. Roman de la Rose (éd. F. Michel), v. 2627. Voy. le vers 2 1 5 1 de notre poème : Je sui li confors des amans. 2. Ibid., v. 263g. Voy. Remède, v. 1888 : Qui suejfre il veint.

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