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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/134

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[vers 1792]
LE LIVRE

Si tres-fort que je ne ſavoie
Parler à li, ne où j’eſtoie.
Et ſi ſentoie une froidure
Entremellée d’une ardure
Qui faiſoit fremir & ſuer
Mon corps, & ma couleur muer.
Mais la franche & la debonnaire
Vit & congnut bien mon affaire,
Et de moy couvrir ſe pena ;
Et en un verger me mena
Qui eſtoit biaus, cointes & gens ;
Et me mena loing de ſes gens,
Et me diſt : « Dous amis parfais,
« Prenez, & par dis & par fais,
« Moi & le mien, & quanque j’ay.
« Je ne reſſemble pas le jay
« Qui n’a que plumes & paroles ;
« N’en moy n’a nulles paraboles.
« Tenés ma foi, je vous promet
« Que tout mon cuer & m’onneur met
« En voſtre main, or les gardés,
« Dous amis, & me regardés. »

Lors miſt ſa main deſſeur ſon pis,
Et diſt : « Je ne vaurrai jà pis,
« De dire ce que dire vueil :
« Et ſi vueil acomplir mon vueil.
« Veſci mon cuer, ſe je povoie,
« Par ma foy je le metteroie
« En voſtre main pour l’emporter.
« Or vous vueilliez dont conforter,
« Et ne merencoliés mie,
« Car je ſuis voſtre vraie amie ;