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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/156

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[vers 2433]
LE LIVRE

Et gettay un moult grant ſouſpir :
« Douce dame, ſe je ſouſpir,
« Vous n’en devés avoir merveille,
« Car vraiement je m’eſmerveille
« Comment amans eſt ſi hardis
« Qu’il oſe, par fais & par dis,
« À ſa dame riens demander,
« Voire s’il le puet amender.
« Car demander eſt villonnie,
« Et loange eſt courtoiſie ;[1]
« Ne je ne ſuis mie tailliés
« Que vous me donnés ne bailliés
« Le mendre des biens amoureus.
« S’ai plus chier eſtre doloreus,
« Et mon temps eſter ſans joïr,
« Que rouver & refus oïr.
« Ce n’eſt pas bon de trop enquerre,
« Ne de grant pais ſoy mettre en guerre ;
« Pour ce me tais & me tairay,
« Et Franchiſe ouvrer en lairay,
« Et Bonne amour qui ſcet comment
« Mes cuers eſt tous en ſon commant.
« Car li biens d’Amours ſont parti
« Non pas par moi, non pas par ti,
« Ains ſont departi par Franchiſe,
« Ainſi comme Amour le deviſe.
« Et vraiement plus chier aroie
« Un bien, ſe dignes en eſtoie,
« Qui me fuſt donnés franchement
« De cuer, & amoureuſement,

  1. Loange ſemble avoir ici le ſens de récompenſe.