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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/271

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DU VOIR-DIT.

« Et en ſon cuer en ha grant gloire,
« Quant il ha ſi noble victoire.

« Tu dois eſtre plains de largeſſe,
« Sans couardie & ſans pereſſe ;
« Ce qu’as, donner à chiere lie,
« Promettre ce que tu n’as mie,
« Et ce qu’aquiers abandonner.[1]
« Ne te chaille d’aſſés donner.[2]
« As-tu paour d’avoir deffaut ?
« Trop plus aras qu’il ne te faut,
« Se tu fais ce que je t’encorne.
« Fay pendre ton ſeel à la corne
« De cerf qui pent emmi ta ſale,[3]
« Si qu’il n’i ait langue ſi male,
« Qui lettre ou or de toy n’emporte.
« Et ſi lai ouverte ta porte ;
« Car largeſſe ainſi le commande
« Pour ceus qui te feront demande.
« Mais garde-toi bien d’avarice,
« Qu’en cuer de roy eſt trop grant vice ;
« Que pris, honneur, loenge & grace
« Et bonne renommée efface ;
« Et ſi le fait tant diffamer
« Qu’à paines le puet nuls amer.[4]

  1. Et faire abandon de ce que tu as acquis.
  2. Aſſez a toujours le ſens de beaucoup.
  3. Il y avoit alors dans la grand’ſalle du Palais un énorme maſſacre de cerf armé de ſes cornes.[App. LVIII.] Seroit-ce la tête du dragon que Godefroi de Bouillon avoit, dit-on, tué, & dont parle le poëte Aſteſan :

    Cujus pellis adhuc muro eſt affixa palati ?

  4. On fait que la ſage économie du roi Charles V fut toujours taxée d’avarice par les gens de ſa maiſon.