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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/302

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[vers 5725]
LE LIVRE

Sans hauſſage, ſans ſignourie,
Et ſans deſcort.
Ainſi le fait qui aime fort ;
Et qui oſte le deſconfort
Et nourriſt, en lieu de confort,
Merencolie,
Par ma foy je le tien pour mort ;
Qu’Amours, pour un petit remort,
Ou pour un mot rude & entort,
Eſt anientie.

Ainſi ſa complainte fin ha,[1]
N’onques puis elle ne fina,
Tant qu’elle ot cette lettre eſcripte.
Et ſa complainte deſſus dicte
Fu dedens bien & bel encloſe,
Sanz addicion & ſanz gloſe.


XXXII. — Mon tres-dous cuer, ma doulce amour, mon tres-dous amy, j’ay receu vos lettres, & ſachiez que je me merveille moult de la petite fiance que vous avez à moy, qui cuidiez, pour ce que je vous ay un pochet[2] trop tardé à eſcrire, que je vous doie oublier & mettre en nonchaloir. Si ſuis moult deceue en ceſte partie ; car je ne penſe pas tant de mal en vous come vous faictes en moy. Se vous ne m’eſcriſiez ne véez juſques à un an, qui me ſeroit moult dure choſe, ſi tien-je voſtre cuer ſi bon & ſi eſtable, que vous ne m’oublieriez mie ; & toute perſonne qui a bien & loiaulté en luy le doit ainſi penſer des autres. Et de ce que vous avez moult grant deſir de ſavoir pourquoy je vous man-

  1. On remarquera que Machaut écrit cette troiſième perſonne de l’auxiliaire, tantôt a, tantôt ha. Il choiſit ordinairement, dans une intention euphonique. D’ailleurs peut-être faut-il regretter qu’on ait proſcrit ha ; c’étoit un moyen de mieux diſtinguer à prépoſition de a verbe.
  2. Comme diſent les Italiens : un’ pochetto.