Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
[vers 5987]
LE LIVRE

Si reçut tout à grant deſduit
Et au lire moult ſe deduit.
Veſcy la lettre, liſiez-la,
Pour ce que la Tres-belle l’a.


XXXV. — Mon tres-dous cuer, ma chiere ſuer & ma tres-douce amour, j’envoie par devers vous pour ſavoir voſtre bon eſtat, lequel Noſtre Seigneur vueille tousjours faire ſi bon come vous voudriez & come je deſire de tout mon cuer ; car, par Dieu, c’eſt une des choſes de ce monde que je plus deſire que d’en oïr bonnes nouvelles & vous veoir auſſi. Et du mien, s’il vous plaiſt à ſavoir, plaiſe vous ſavoir que, la mercy noſtre Seigneur, moy, mon frere & nous tous eſtions en bon point quant ces lettres furent eſcriptes. Et, mon tres-dous cuer, ſe je n’ay envoié par devers vous ſi toſt come je déuſſe, ſi le me vueilliez pardonner : car Dieus ſcet que ce n’a mie eſté par deſfault d’amour ne de bonne volenté. Car monſeigneur le duc de Bar & pluſeurs autres ſeigneurs ont eſté en ma maiſon : ſi y avoit tant d’alans & de venans, & me couchoie ſi tart & me levoie ſi matin, que je ne l’ay peu amender ; ne de jour n’y povoie entendre, ne à voſtre livre auſſi ſe po non, dont moult me poiſe : lequel je vous envoie par ce meſſaige, ce qui en eſt fait. Si vous prie ſi chierement come je puis & ſçay, que vous le vueillez bien garder, & le me vueillez renvoier, quant vous l’arez leu, par quoy je le puiſſe parfaire : car je ſeroie trop courrecié ſe tel peine & ſi grant come je y ay miſe & entens à mettre eſtoit perdue. Ores vient le fort & les belles & ſubtives fictions dont je le penſe à parfaire,[1] par quoy, vous & li autre le

  1. Pour ſuppléer au peu de changement qui ſe fait dans ſa ſituation amoureuſe, Machaut va raconter bien des choſes que les lecteurs d’aujourd’hui connoiſſent mieux, il eſt vrai, que ne les connoiſſoit peut-être Mlle d’Armentières.