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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/326

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[vers 6084]
LE LIVRE

Pour elle à ſon amy deduire,
Et pour lui véoir à loiſir,
Douleement & à ſon plaiſîr ;
Mais, finalment, elle en fu morte,
Et cil, de l’eſpée qu’il porte.

Auſſi Paris en fu deſtruis,
Einſi come en eſcript le truis.

Li dieu qui par amours amoient,
Leurs formes en autres muoient,
Et ſi muoient leurs amies
Souvent en vaches ou en pies,
Ou ainſi come il leur plaiſoit ;
Chaſcuns à ſon vueil le faiſoit.
Mais, quant devers elles eſtoient,
Leurs propres formes reprenoient,
Pour mener plus ſecretement
Leurs amours & plus ſagement.

J’ay les oreilles & les temples
Toutes plaines de tels exemples
Pour ce di, & ſi n’en doubt mie,

    Champagne : Quel haria ! — La Châtelaine de Vergi, nièce du duc de Bourgogne, faiſoit ſavoir au chevalier ſon ami qu’elle étoit ſeule, & qu’il pouvoit la venir voir,

    De ci que vin petit chiennet
    Verroit par le vergier aller :
    Et lors veniſt ſans demorer.

    Le Chevalier ſe trouva forcé de livrer au duc le ſecret de ſes amours ; la Châtelaine mourut de chagrin d’avoir perdu le treſor de ſon honneur, & le Chevalier ne voulut pas lui ſurvivre. Voyez, dans Méon, le beau fabliau de la Chaſtelaine de Vergi. On a fait plus tard de cette dame, & bien à tort, l’amie du Châtelain de Couci.