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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/401

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DU VOIR-DIT.

nouvelles de vous ; & en ay eſté à tel meſchief que je ne cuidoie avoir autant de mal pour homme. Et ſe je vous ay eſcrit un pou rudement & mal ſaigement, par m’ame, je ne l’ay peu amender, car j’eſtoie ſi troublée & avoie le cuer ſi marry & ſi courroucié que à peine péuſſe-je dire choſe ne faire qui péuſt plaire à perſonne ; ne il n’eſtoit riens qui ne me deſpléuſt, pour ce que je ne ſavoie nouvelles de vous. Et auſſi, vous m’aviez promis que vous me venriez veoir ſi toſt que vous porriez chevauchier ; & vous avez eſté en bonne ſanté, & ſi, ont eſté les chemins plus ſeurs qu’ils ne ſouloient puis Paſques, qu’il n’avoient eſté depuis .iii. ans ; & ſi ne m’eſtes point venu veoir. Par le Dieu qui me fiſt, je n’éuſſe mie einſi fait ſe j’éuſſe eſté en voſtre eſtat. Et einſi me promiſtes-vous, il a .i. an tout droit en ce mois, quant j’eſtoie au Biau chaſtel, que jamais ne m’eſcroiriez que je ne fuſſe voſtre bonne & léal amie, ne diriez choſe dont je me déuſſe courrecier. Et vous avez fait le contraire, ſi come il appert par les lettres que vous m’envoiaſtes derreinnement, leſquelles je vous r’envoie, pour veoir s’il y a choſe dont je me déuſſe courrecier. Car, par le Dieu qui me fiſt, ne par treſtous les ſeremens que bons puet jurer, il n’a aujourduy home vivant au monde à qui j’aie donné ne promis m’amour que à vous ; & pour ce fuis-je courroucie quant vous créez le contraire. Et pour ces .ii. cauſes que j’ay devant dites, vous eſcri-je que vous eſtiez variables & que vous ne teniez pas bien vérité. Et, par Dieu, combien que je le vous aie eſcript, me garderoie-je bien de le dire en lieu où il vous tournaſt à villenie. Mon dous cuer & ma tres-douce amour, je vous pri ſi acertes come je puis, pour garder le bien & la pais de vous & de moy, que toute ire & tous courrous, & tous eſcris & toutes paroles qui ont eſté dites & eſcriptes entre vous & moy, dont nos cuers peulent eſtre & ont eſté correciez, ſoient toutes miſes en oubli, & que jamais il n’en ſouveingne ne à vous ne à moy ; & que nous nous puiſſions doucement & loiaument amer & demener bonne vie,