Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
DU VOIR-DIT.

mondes ne me feroit entendant le contraire. Et certes, mon dous cuer, je vous mercie moult de ce que vous ne me porriez oublier jour ne heure, & les exemples que vous metez en vos douces courtoiſes & aimables lettres me font certain que ce que vous me mandez & eſcrivez eſt pure verité. Mais, mon tres-dous cuer & ma tres-chiere dame, il m’eſt avis que vous m’escriſiez plus brieſment que vous n’avez acouſtumé, plus obſcurement & de pieur lettre : & me ſemble, par voſtre lettre, qui m’eſt plaiſant à l’ueil & douce au cuer & ſavoureuſe à la bouche, que vous n’avez mie loiſir de moy eſcrire, ou que vous le faites reſſongnamment, pour doubtance d’autrui ; ou que il y a autre choſe, laquelle je ne puis ſavoir ſe vous ne le me mandez. Et ſe il le vous plaiſoit à moy mander, dont je vous pri ſi acertes come je puis qu’il vous plaiſe à le moy mander, je m’aviſeroie d’envoier vers vous pour voſtre honneur & pour voſtre pais, & auſſi pour mon bien & pour ma joie. Car par m’ame je n’aroie jamais bien, ſe vous cheiez en paroles ou en blaſme pour moy, comment que Dieus ſcet qu’il n’y a nulle cauſe ne n’ara jà. Mon tres-dous cuer, mes ſecretaires a eſté devers moy, & m’a dit pluſeurs choſes de par vous, leſquelles je ne vueil pas eſcrire ; pour ce que vous le ſavez bien. Et de ce qu’il m’a dit, je vous en merci ſi tres-humblement come bouche le porroit dire ne cuers penſer. Et, ſe Dieu plaiſt, environ ceſte Paſque, je metteray tel peine a acomplir ce qu’il m’a dit, qu’il n’y avera point de deffaut. Car, par m’ame, là ſont tuit my deſir & tuit my penſer. Mais, mon tres-dous cuer, coment que j’aime moult mon ſecretaire & que je me fie fort en li, & vous auſſi, vous m’avez envoïe de vos joiaus par lui, liquel ont eſté pris en voſtre riche tréſor ; par m’ame ! je vueil que vous ſachiez certeinnement que ſe vous poviez fere choſe qui me deuſt deſplaire, cils preſens que vous m’avez envolé par luy me deſplairoit.[1] Et vous

  1. On voit ici combien Machaut mettoit plus de prudence que la